mercredi 17 juin 2009

Le Printemps Permanent

C'est le Printemps Permanent, c'est ainsi qu'il parlait de cet instant, où tout s'est enflammé, ma langue, mes yeux, ma peau, ma bouche, ma main, tout s'est accéléré, j'ai découvert une autre langue, d'autres yeux, une nouvelle peau, une bouche vivante, une main libre, désormais dit-il, je peux écrire d'ici, autrement dit de tous les temps, d'hier et de demain, seule cette langue sauve, une langue qui ne sauve pas est une langue de la mort, une langue qui ne me sauve pas est une langue du désespoir organisé, du nihilisme dominant, une langue qui sauve doit s'accorder au mouvement du corps permanent, alors je peux écrire, comme personne, et devenir immortel, c'est-à-dire éclater de rire face à la mort, une belle manière de la désarmer, éclater de rire face à l'abandon, face à la trahison, à la domination, à la servitude volontaire, à la guerre permanente qui veut se faire oublier et qui pourtant est là, au coin de ta rue, au coin de ta vie, dans tes accouplements fébriles, dit-il, et cette langue retrouvée, bénie des Déesses, transforme tout en or, en or du Temps, je ne le cherche pas, ajoute-t-il, je l'ai trouvé, et c'est la seule révolution qui mérite attention, concentration et silence, et débouche sur la poésie, qui est traversée du Temps.

Le premier émerveillement de cette révolution du Printemps Permanent fût un silence, un silence qu'ornaient les sourds remous de la rivière qui coulait un peu plus bas, silence, les yeux fixant les éclats du soleil que par instant libéraient les envolées vertes qui nous protégeaient, Sylvia, ses yeux clos écoutaient ce que disait son corps de l'effervescence de l'amour, nos corps allongés s'enfonçaient dans la terre noire de la rive, le temps n'était plus au touché, mais à sa mémoire future, le temps était à la méditation silencieuse du Temps, c'est alors, voyez-vous, que je suis vu me voyant. Seuls les voyants savent entendre ce qui se dit dans le silence.

" La poésie n'est pas la tempête, pas plus que le cyclone. C'est un fleuve majestueux et fertile. " (1)


" Le Printemps doucement évente le visage de la rose ;
Dans l'ombre du jardin, comme un visage aimé est doux !
Rien de ce que tu peux dire du passé ne m'est un charme ;
Sois heureux d'Aujourd'hui, ne parle pas d'Hier. " (2)

" Blanche beauté de lune embranchée de parfum...
Une bouche qui parle exhalant une perle,
Souffle à l'odeur de myrrhe et lèvre de carmin
Laissant perler le suc et le miel qui déferle ! " (3)


à suivre

Philippe Chauché

(1) Poésies / Isidore Ducasse Comte de Lautréamont / Oeuvres complètes / La Table Ronde
(2) Les Quatrains d'Omar Khayyam / traduct. Charles Grolleau / Éditions Gérard Lébovici
(3) Salomon Ibn Gabirol / Poèmes d'amour de l'Andalousie à la Mer Rouge / traduct. Masha Itzhaki et Michel Garel / Somogy

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