dimanche 1 novembre 2009

Céline en Novembre (2)



L'affaire est entendue. Céline est une ordure, un antisémite , un réactionnaire, un danger public, que sais-je encore, mais ajoutent--ils, un grand écrivain, dont on peut se passer, etc. Laissons reposer ces aboiements qui hantent la littérature française depuis prés d'un siècle, un siècle d'écrivain. Rendons-les à celles et ceux, qui ont aussi un temps, cherché querelle à Hemingway, Nabokov, Miller, Joyce, Claudel, Artaud, et quelques autres, laissons mijoter la haine, et elle finira bien un jour par se consumer dans la nuit. Soyons simplement attentifs au pourquoi de la chose inimaginable, pas question de pardonner ces mots là, ces délires, pas question non plus d'éluder les dates, Céline écrit dans un certain temps, une certaine France, qui de toute façon le déteste. Ne rien dire de tout cela, serait une erreur. Céline délire, ne cachons rien de ce délire et de ses outrances, mais regardons de près les autres délires de ces temps.

L'affaire Céline, Sollers l'a connaît bien. Tout écrivain français qui pense qu'écrire est un acte scissionniste devrait aussi s'en occuper, ou pour le moins s'en souvenir, question de langue et question profondément musicale. Sont-ils aussi nombreux à se préoccuper de la musique de leurs phrases ? Cherchez, vous trouverez !
Sollers donc, publie en ce mois de novembre, un petit livre (1), qui une fois de plus va soit être ignoré, moqué, ou faire des jaloux. A vous de voir, mais c'est la même chose.

Sollers reprend des textes où il s'essaye à déchiffrer, au sens musical du mot, les romans de Céline. Morceaux choisis :

" Qu'on ne dise pas qu'il a soutenu un parti contre un autre : ses tableaux sont automatiquement implacables. Il était contre tout ce qui incarne. Se prend pour. Merveilleux démystificateur. Bouffon précis. Clinicien. Expert. Désintéressé. Personne n'a mieux inventorié, avec une plus superbe mauvaise foi, les sournoiseries de la pose. " (1) - Cahiers de l'Herne, n°, 1963 -

" Vous attaquez la Société ? Elle se défend. Vous démasquez le mensonge ? Il redouble, il vous fabrique aussitôt des faux doubles. Après tout, devant une telle mauvaise foi, Céline aurait pu douter, se décourager. Mais non, il est lancé en pleine écriture, à nous deux XX° siècle ! " (1) - Le Magazine littéraire, octobre 1991 -

" Maudit, Céline ? Mais : par définition. Là où il y a un mot, il pourrait y en avoir vingt autres. Une image n'est que l'ombre portée d'une série. Les ailes de la ponctuation entraînent un tourbillon sur place. " (1) - La Guerre du goût - Gallimard -

Et c'est ainsi que va la littérature immédiate, celle qui est donc terriblement travaillée, follement destructrice, amoureusement nourrie, incendiée, musicale, c'est ainsi que va littérature qui importe, le reste n'est que blabla et chichi.

" Vous pensez bien, je n'ai pas le désir du tout de vous apitoyer... déjà quatre livres consacrés à mes malheurs !... je pourrais un peu penser à vous... vous n'avez pas trop souffert, des fois ?... bien autrement!... mille fois pire !... plus délicatement, voilà ! vous n'en laissez rien apparaître, pas un soupir !... mes grossiers avatars, assez ! " (2)

" Tas de décombres et morceaux de boutiques... et plein de pavés par monticules, en sortes de buttes... tramways en dessus, les uns dans les autres, debout et de travers, à califourchon... plus rien à reconnaître... surtout en plus des fumées, je vous ai dit, si épaisses, crasseuses, noires et jaunes... oh j'ai l'air de me répéter... mais n'est-ce pas il faut... je veux vous donner l'idée exacte... pas rencontré un seul vivant, les vivants ! où... je dois dire... ils sont partis... aussi sous des tas de pavés ? pourtant c'était du monde à Hambourg !... disparus tous ? à leur aise !... " (2)

"... le rigodon qu'est tout ! perlipopette que ça saute ! ... cervelles en gibelotte, esclaves aux murènes, dodus, chrétiens aux jaguars, collabos Villa Saïd... et demain tenez vous m'en direz des nouvelles !... de ces marmites écumantes à tous les carrefours... pour qui ? pour qui ? pour vous, pardi ! lentement à bouillir, aux cris de saison... le petit détail qui me froisse un peu, où je tique, c'est la galanterie... ç'aurait été là par exemple l'Hitler gagnant, il s'en est fallu d'un poil, vous verriez je vous le dis l'heure actuelle qu'ils auraient tous été pour lui... à qui qu'aurait pendu le plus de juifs, qui qu'aurait été le plus nazi... sorti la boyasse à Churchill, promené le coeur arraché de Roosevelt, fait le plus l'amour avec Goering... ça tourne tout d'un côté, d'un autre, ils se précipitent, s'en foutent sur membre ils tombent, le principal qu'ils soient mis à fond... oh qu'ils prennent la petite à Adolf, je vous dis, s'en est fallu d'un poil !... " (2)

à suivre

Philippe Chauché

(1) Sollers - Céline / Écriture
(2) Céline / Rigodon / Gallimard

4 commentaires:

  1. Moi, je serais assez pour qu'on brûle les cochonneries de tous ces misogynes dégénérés qui peuplent notre collective mémoire :

    1 - ça ferait de la place dans les bibliothèques

    2 - 2 -

    Et je commencerais par le très encensé Schopenhauer qui a écrit par exemple (mais avec lui, il n'y qu'à se baisser pour ramasser):

    C'est pour cela que les femmes restent toute leur vie de vrais enfants. Elles ne voient que ce qui est sous leurs yeux, s'attachent au présent, prenant l'apparence pour la réalité et préférant les niaiseries aux choses les plus importantes. Ce qui distingue l'homme de l'animal c'est la raison ; confiné dans le présent, il se reporte vers le passé et songe à l'avenir : de là sa prudence, ses soucis, ses appréhensions fréquentes. La raison débile de la femme ne participe ni à ces avantages, ni à ces inconvénients ; elle est affligée d'une myopie intellectuelle qui lui permet, par une sorte d'intuition, de voir d'une façon pénétrante les choses prochaines ; mais son horizon est borné, ce qui est lointain lui échappe.

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  2. Mon très cher Chauch.,

    Malgré toute l'amitié, que je vous porte, je ne pense pas que les qualités littéraires ne suffisent pas pour disculper qui que cela soit.
    Un être qui fit souffrir doit être honni, sinon son vieux démon peut resurgir.
    Voilà ce que pensait céline dans les
    années 40-42.
    Etant héritier de gens qui vivaient là, je ne peut que bannir ses & ces propos.

    L'intellectualisme, la provocation ne peut tout se permettre. Les procès sont finis, ne rouvrons pas les pages douloureuses quand bien même les qualités.

    Mais Quelles qualités si l'on est capable d'écrire ça :

    "Zone sud, zone peuplée de bâtards méditerranéens, de narbonoïdes dégénérés, de nervis, de félibres gâteux, parasites arabiques que la France aurait tout intérêt à passer par dessus bord; Au dessous de la Loire, rien que pourriture, fainéantise, infects métissages négrifiés."

    Seul Hitler fit mieux dans Mein Kamf &
    après... Au fait je ne sais pas si vous le saviez mais les SS voulurent tuer céline, tellment ses débordements les gonflaient... Il fut sauvé , mais pourquoi ?

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  3. Chère lectrice piquante :

    " J'ai passé ma vie dans les danseuses ", dit Céline, lui-même porté au vertige, et pas pervers pour un sous. Il quand même un vice, celui des " formes féminines parfaites ". " A côté de ce vice, dit-il drôlement, la cocaïne n'est qu'un passe temps de chef de gare. " Ph. Sollers / Céline.

    Voilà pour Céline, pour Arthur Schopenhaueur, c'est vous l'entendrez une autre histoire :

    " Le sexe feminin réclame et attend du sexe masculin absolument tout, tout ce qu'il désire et tout ce qu'il lui est nécessaire ; le sexe masculin ne demande à l'autre avant tout et directement qu'une unique chose. "

    Cela devrait chère lectrice attentive vous convaincre.

    Bien à vous

    Ph

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  4. Bonjour,

    Un blogue consacré à Céline

    http://celinelfombre.blogspot.com/

    Pierre L.

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