dimanche 24 avril 2011
Ainsi Ecrivait El Juli
A la mémoire de Juan Pedro Domecq Solis.
photo : Jose Ramon Lozano
" C'est à coups de tonnerre et de feux d'artifices célestes qu'il faut parler aux esprits flasques et endormis.
Mais la voix de la beauté parle bas : elle ne fait que se glisser dans les âmes les plus éveillées. " (1)
C'était un vendredi Saint à Arles, le gris du ciel, le blanc de la pierre, les broderies d'or des chaquetillas, et le rouge d'une muleta qui écrit un roman de Pasion, nom du toro, Julián López Escobar, El Juli, nom du torero.
Les noms et les phrases s'écrivent sur le sable et dans le ciel, tout est calme, la main court la ligne des cornes, comme chez Bach, tout paraît simple, il suffit d'être ce savoir et cette saveur, ce Je ne sais quoi, que seuls quelques hommes d'exception cherchent et trouvent sur l'instant.
" Le Je ne sais quoi, qui est l'âme de toutes les bonnes qualités, qui orne les actions, qui embellit les paroles, qui répand un charme inévitable sur tout ce qui vient de lui est au-dessus de nos pensées et de nos expressions ; personne ne l'a encore compris, et apparemment personne de le comprendra jamais. Il est le lustre même du brillant, qui ne frappe point sans lui ; il est l'agrément de la beauté, qui sans lui ne plaît point ; c'est à lui de donner, pour me servir de ses termes, la tournure et la façon à toutes les qualités qui nous parent ; il est en un mot, la perfection de la perfection même, et l'assaisonnement de tout le bon et de tout le beau. " (2)
C'était un vendredi Saint à Arles, le jeune homme blond s'accorde à Pasion et à sa passion, la mort n'attend plus au bout de la phrase, mais la vie l'éclaire de ses rayons d'or.
Pour bien écrire il faut se livrer à l'art romanesque, pour bien toréer s'offrir dans le mouvement du Temps à l'art taurin, trouver la mesure juste de chaque derechazo, et le temple de chaque passe, donner sa chance à cette phrase qui n'en finit jamais, redondo, se faire maîtrise et douceur, soie et jasmin, silencio, dans le dominio absolu.
C'était un vendredi Saint à Arles, le jeune homme blond, qui n'a plus rien à prouver, vérifiait les résonances de son savoir entre les cornes d'un toro, et écrivait le roman de sa vie, Variations Juli, Tocatas et Partitas, où chaque accord du corps s'accorde à ceux de l'Instant.
C'était un vendredi Saint à Arles, au centre du ruedo, il écrivait dans l'aisance de l'absolu maîtrise de son talent, comme Le Héros, il était le trait et la plume de son bel ouvrage.
C'était un vendredi de la Passion qui devint un dimanche de la Résurrection.
photo : Diego Velarde
à suivre
Philippe Chauché
(1) Ainsi parlait Zarathoustra / Friedrich Nietzsche / traduc. Marthe Robert / Le Club Français du Livre / 1958
(2) Le Héros / Baltasar Gracian / traduc. Amelot de la Houssaie / Distance / 1993
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