mardi 26 avril 2011
Visages du Roman (25)
" J'accepterai d'aller dans le monde si les gifles y étaient permises. " (1)
" A chaque siècle son Tartuffe. Le nôtre a un petit peu changé. Il s'est élargi, étoffé. Il est membre fondateur de plusieurs SOS-Machin, il a fait les Mines ou l'ENA, il vote socialiste modéré, ou encore progressiste-septique, ou centriste du troisième type. Il peut se révéler poète à ses heures, même romancier s'il le faut, mais toujours allégorique, lyrique poitrinaire aujourd'hui comme il a été stalino-lamartinien dans les années 60-70, sans jamais cessé d'être langoureux. Le nihilisme jadis s'est porté rouge-noir ; il est en rose layette à présent, pastel baveur et coeur d'or, tarots new age, yaourts au bifidus, karma, mueslis, développement des énergies positives, astrologie, occulto-cocoo-ning. Plus que jamais " faux-monnayeur en dévotions " ( Molière ), sa " vaine ostentation de bonnes moeurs " ( encore Molière ) ne l'empêche pas, bien au contraire, " d'en commettre de mauvaises " ( Molière toujours ). Partisan du Nouvel Ordre américain, ça tombe sous le sens, c'est-à-dire de la quatrième grande attaque de Réforme à travers les siècles ( après Luther, après 89-93, après Hitler ), il ne comprend pas les réticences de certains envers les charmes protestants. " (2)
Aux souleveurs de lièvres et plus particulièrement à M. Onfray.
" La chasse est ouverte. Pour les scouts de la bonne pensée, pour le petit peuple des consommateurs, biographes, universitaires, journalistes d'investigation et fabriquants de thèses, c'est devenu une occupation à temps complet... Tantôt c'est Michel Foucault dont on nous explique l'oeuvre à travers sa fréquentation des boîtes sado-masos californiennes ; tantôt c'est Bretch, qu'on nous montre en tyran répugnant, signant des pièces écrites par ses maîtresses... A qui le tour ? Que ne va-t-on encore découvrir ? Que Beethoven tournait autour des pissotières ? Que Stendhal attendait les petites filles à la sortie des écoles ? Que Cervantès a volé le manuscrit de Don Quichotte à sa voisine ? Nous avions déjà eu Marx pourvoyeur de goulags et séducteur de bonnes ; Heidegger nazi jusqu'au bout du Dasein ; Henry Miller érotomane et antisémite ; Picasso et ses épouses martyres ; Hemingway et son impuissance. On peut désormais écrire à peu près n'importe quoi sur n'importe qui, à condition que celui dont on parle en ressorte disqualifié, ruiné, ridiculisé. A condition qu'il devienne une affaire. " (3)
Il est amusant, note-t-il, de voir à quel point Muray n'est pas désavoué en ces temps. Il y a quelques semaines, un film documentaire était projeté dans une salle très à gauche d'Avignon, film consacré à Pierre Bonnard, peintre lumineux dans un documentaire banal et chichiteux, la projection fut suivie d'un débat avec l'auteur qui tout boursouflé de sa suffisance, défendit son sujet - c'est la moindre des choses -, mais en s'en prenant à Picasso et Matisse, qui eux contrairement à Bonnard aimaient l'argent et les honneurs, - la preuve dit-il une voiture porte aujourd'hui le nom de Picasso - et unanimement les spectateurs gloussèrent. Taxi !
à suivre
Philippe Chauché
(1) Cahiers / 1957-1972 / Cioran / Gallimard / 1997
(2) Tartuffe / Esssais / Philippe Muray / Les Belles Lettres / 2010
(3) La Grande Battue / d°
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Laissez un commentaire