mardi 18 août 2009

La Courbe du Temps (28)



" Ondulante serpentante
la brise fraîche
vient à moi " (1)

Il se répétait ce Haïku, il tournait dans sa tête et tout autour de lui, comme un doux vent du sud, il soulevait ses cheveux, se glissait sous les pans de sa chemise ouverte, lui embrassait le coeur et la peau du dos, à cet endroit précis où se niche la douceur fraîche du Temps, le haïku ondulait et embrassait chaque femme qu'il croisait dans la ville assoiffée, il serpentait dans son regard qu'il posait sur les vierges perchées de sa rue illuminée, la phrase comme un étrange appel d'air nourrissait chacun de ses mouvements, ces mouvements nés de la Courbe du Temps, ces mouvements inspirés, tout lui semblait net et vif, les murs blancs, les tables des cafés où des femmes désirables séduisaient d'un mot les amoureux qu'elles avaient convoqués un peu plus tôt, il se répétait ce haïku ouvert comme une rose rouge sur le bureau où chaque jour il écrivait, et il se disait qu'il ressemblait à son amour, ondulante serpentante et surprenante, elle n'était jamais là où on l'attendait, il ajoutait aussi, elle est brise fraîche lorsque le soir elle pose sa joue sur son épaule nue, lorsqu'elle ferme les yeux et que monte de sa gorge un tango profond, il se disait encore, que l'onde fraîche de ses mouvements qui se liait sur les bords du fleuve et sous les arbres était le mouvement du roman, de la vie qui le faisait naître, des courbes douces et brunes, des éclats blonds de son regard, il ajoutait que ce haïku ressemblait aux silences qui enflammaient son regard.


" Ma jeunesse me suit, je la tiens par la main. " (2)

Ses mots revenaient et l'appelaient, ses silences le rendaient beau, la nuit éclairait chacune de ses phrases, si loin, si près, c'est ce qu'il pensait, alors il est sorti dans la nuit d'été, baigné par sa voix, par ce qu'il savait de la danseuse rouge, par le mouvement de ses lèvres et de ses bras, par le silence qui éclairait son visage, il a marché dans la nuit jusqu'au fleuve, près des arbres, soulagé de savoir que la Courbe du Temps, il s'est aussi dit, que le Temps aimé, devait l'être à jamais, que tout le reste n'était qu'un piège que tentait de lui tendre de mauvaises âmes.

" Quand les amoureux quittent leurs corps nocturnes, l'un se pose sur une branche au loi, l'autre s'accoude à la fenêtre.
L'amour, c'est âme contre âme. " (3)


à suivre

Philippe Chauché


(1) Issa / Haïkus / Anthologie / traduct. Roger Munier / Fayard
(2) Louis Scutaire / Mes Incriptions 1943-1944 / Allia
(3) Pascal Quignard / Vie secrète / Gallimard

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