lundi 10 août 2009

La Courbe du Temps (24)

" Il dit, et le désir du lit prit la déesse. " (1)

Il reprend tout à son origine, sur son écritoire, le basculement immédiat, dans l'une des rues de la ville, sous les arbres et près du fleuve. Là, dans cet espace, où il a été littéralement renversé par la Courbe du Temps. Il ajoute que la vision ébouriffante des mains qui se croisent et de décroisent de la danseuse rouge est permanente, de ces visions qui vous transforment et font raisonner les éclats de la Lune sur ma peau, sentinelle dorée qui prolonge les floraisons de pensées et les accords musicaux offerts à mon corps.
" Il dit, et le désir du lit prit la déesse. " il note la phrase, et il se dit que de telles phrases conduisent à la Courbe du Temps, ouvrent sur un nouvel espace où la lumière partage son silence avec la musique. Il ajoute, que la mélodie de ses livres est une offrande qui rend beau et que pour dire ce basculement de la déesse, il faut voir. Il l'a vue au bord du fleuve et sous les arbres, danse gravée dans la pierre, il l'a vue dans le Temps absorbé, il peut dire ce qu'elle est, ce qu'il voit d'elle dans la permanence de l'espace épousé, il peut aussi dire le mouvement de la danseuse rouge, sa démarche dans les rues de la ville des Martinets, son regard, sa bouche, il peut aussi écrire l'éblouissement de son regard, la lumière du baiser qu'elle lui a donné sur la place du Palais, son souffle sur sa joue, et puis sa disparition qui est une apparition. Pour pouvoir dire, il faut pouvoir voir, il répète la formule magique.
Il reprend alors sa remontée du Temps. Les pierres de la ville gardent la mémoire de la danse rouge épanouie sur les bords du fleuve et sous les arbres, et il ajoute, j'ai pensé à son corps retourné par l'envolée des mains de Myriam-Marie-Maria, je l'ai vue, je peux l'écrire, pense-t-il. Je la vois ici, rue Albéniz, à un souffle des arènes, la danseuse rouge l'ignore, elle ne franchit plus les portes de cet espace miraculeux, je l'ai entendu me le dire, pense-t-il, un soir dans le silence de la ville, je l'ai vu me l'écrire aussi sur les bords du fleuve et sous les arbres, je l'ai vue me le dessiner sur les pavés de la place où son baiser s'est accordé aux accords de mes lèvres.
Je me penche, ajoute-t-il, sur le regard brillant de l'inconnue de la Galerie, vivre en compagnie des peintres vous rend lumineux, vous accorde à l'équilibre du Temps. Il se dit aussi, que le regard que l'on voit, et qui nous fait écrire, est une porte de la délivrance qui s'ouvre sur la Courbe du Temps. Pour le saisir, il faut se mouler à chacun de ses gestes, se rafraîchir à chacune des partitions de Bach, il se dit aussi que cette clarté est la même que celle qui s'envolait de son corps lorsqu'elle dansait sur les bords du fleuve et sous les arbres. Il ajoute que le désir qui vient du corps et de la musique, est un miracle, une éclaircie permanente sur laquelle bute les nuages les plus menaçants du large, il se dit aussi que le désir de lit est un regard en mouvement, mais aussi un silence habité, un mouvement qui s'accorde au vide.
Il pense qu'il faut enlacer les corps dans le désir permanent de l'écriture, c'est à dire du lit, ce lit est un écritoire où elle s'assoupit, il faut enlacer les corps et dire la transparence de la jouissance, dans sa Courbe du Temps, il écrit aussi que la jouissance des femmes est une résonance du Temps.
Il se dit qu'ici tout tremble, tout vit, tout respire, tout s'illumine, tout est beauté écarlate, il dira cela à la danseuse rouge des bords du fleuve et sous les arbres, elle l'écoutera et s'élèvera dans la danse invisible de la place du Palais et lui offrira des fleurs d'été aux parfums d'embruns.

à suivre

Philippe Chauché

(1) Odysée VIII / Homère / Bibliothèque de la Pléiade / Gallimard

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