" Il n'y a point de beauté sans aide, ni de perfection qui ne donne dans le barbarisme, si l'art n'y met la main. L'art corrige ce qui est mauvais, et perfectionne ce qui est bon. D'ordinaire, la nature nous épargne le meilleur, afin que nous ayons recours à l'art. Sans l'art, le meilleur naturel est en friche ; et, quelques grands que soient les talents d'un homme, ce ne sont que des demi-talents, s'ils ne sont pas cultivés. Sans l'art, l'homme ne fait rien comme il faut, il est grossier en tout ce qu'il fait. " (1)
L'art corrige ce qui est mauvais écrit-il, et perfectionne ce qui est bon, judicieuses remarques, éclatantes vision du monde, et ce qui s'écrivait et se pensait au 17° siècle mérite d'évidence d'être appliqué au notre.
Reste à savoir ce qu'aujourd'hui nous entendons par art : tout et n'importe quoi, ce qui n'est déjà pas si mal pourrait-on dire en souriant.
Amusons nous et tentons d'appliquer la définition de Gracian au cinéma - qui continue à se prendre pour le 7° art, petit jeu : notez les 6 arts qui existaient avant que le cinéma ne devienne cette grenouille de l'art, grasse et dégoulinant de bons sentiments, de révoltes, de hontes, de luttes, de crèmes fraîches et de piments brûlants -, corrige t-il ce qui est mauvais, et perfectionne t-il ce qui est bon ? Certains le pensent, d'autres en rêvent, le cinéma qui n'a semble t-il jamais été aussi social se donnerait donc pour noble mission de corriger cette société, de la fesser comme on le faisait des enfants lorsqu'ils avaient l'audace de manger toutes les fraises du jardin. Le cinéma comme martinet corrigeant notre monde, et s'il pleure, s'il tremble, il ne doit s'en prendre qu'à lui. Le cinéma perfectionnant ce qui est bon, si le cinéma savait ce qui est bon, il s'enflammerait sur le champ, si je puis dire. Le cinéma doute tellement de la beauté qu'il pût un jour filmer, qu'aujourd'hui il n'a d'autre objectif que la correction notée plus haut. La beauté du monde sait d'intelligence se passer de lui, c'est ainsi.
Vérifions :
" Que j'ai vu de glorieux matins ! Ils caressaient
Des yeux toutes les cimes, pressant leurs lèvres
Sur les prairies dont l'eau encore grise
Se veinait de cet or : alchimie céleste ! " (2)
Simplicité et évidence du geste,
Les yeux fermés, je me livre au temps,
et mes bras s'élèvent et embrassent les branches,
Simplicité et évidence du silence,
et mes sourires se réservent.
Que mille sonnets résonnent dans ta musique
à suivre
Philippe Chauché
(1) Baltasar Gracian / L'Art de la prudence / traduc. Amelot de la Houssaie / Rivages poche
(2) William Schakespeare / Sonnet 33 / Les Sonnets / traduc. Yves Bonnefoy / Poésie / Gallimard
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