mercredi 2 avril 2008

Les Aventuriers


" On le croyait généralement ambitieux. Seule est réelle l'ambition dont celui qu'elle possède prend conscience sous formes d'actes à accomplir ; il était encore incapable de désirer des conquêtes successives, de les préparer, de confondre sa vie avec elles ; son caractère ne se prêtait pas plus que son intelligence aux combinaisons nécessaires. " (1)

" Quant à moi, qui prétendais gravir une pareille pente, je n'étais rien, au départ. A mes côtés, pas l'ombre d'une force, ni d'une organisation. A l'étranger, ni crédit, ni justification. Mais ce dénuement même me traçait ma ligne de conduite. C'est en épousant, sans ménager rien, la cause du salut national que je pourrais trouver l'autorité. C'est en agissant comme champion inflexible de la nation et de l’État qu'il me serait possible de grouper, parmi les Français, les consentements, voire les sidérations. Les gens, qui tout au long du drame, s'offusque, pour moi, tendu à refouler d'innombrables pressions contraires, le moindre fléchissement eût entraîné l'effondrement. Bref, tout limité et solitaire que je fusse, et justement parce que je l'étais, il me fallait gagner les sommets et n'en descendre plus jamais. " (2)



Ce sont des aventuriers, deux aventuriers et deux écrivains, l'un traverse l'Asie, flirte avec l'Espagne en guerre sociale, et écrit des livres où à chaque ligne il se met en scène, l'autre prépare ses mémoires de guerre sur le front, fait tomber le masque grotesque et criminel de Vichy, et écrit de l'autre côté du Chanel, l'Histoire de la France, qu'il fait sienne, et sans relâche prépare sa libération.

Deux passions croisées de l'écriture et de l'aventure, deux passions croisées de la France, avec quelques principes inviolables, on ne pactise pas avec Vichy et ses commissionnaires antisémites, on se méfie à chaque seconde des staliniens qu'ils soient français, espagnols ou soviétiques, on se met continûment en scène et on déchaîne des tempêtes de haines, on ne baisse jamais les bras, on est de facto la victoire en marche, la sienne et celle de quelques idées simples.

Voilà une part d'histoire qui s'écrit devant nous, une escapade romanesque, politique et militaire - qui douterait de leurs profondes attirances - des éclats de faits, des faits éclatants, qui on le sait sont plus que jamais têtus, une permanence de principes et l'envie d'en découdre avec son histoire et celle du monde.

" Si le 18 juin est un acte de foi, c'est aussi un acte de raison. Dès cette date, le général de Gaulle est convaincu que l'Allemagne a perdu la guerre. Ce n'est qu'une question de temps. Cette guerre n'est pas simplement européenne, mais mondiale. Dès lors, ses objectifs sont clairs : " La réapparition de nos armées sur les champs de bataille, le retour de nos territoires à la belligérance, la participation du pays lui-même à l'effort des combattants, la reconnaissance par les puissances étrangères du fait que la France, comme telle, aurait continué la lutte, bref, le transfert de la souveraineté, hors du désastre et de l'attentisme, du côté de la guerre et, un jour de la victoire. " ... " De ses combats dans la Résistance et à la tête de la brigade Alsance-Lorraine, André Malraux a retiré une perception sensible de la France... Alors que le général de Gaulle et lui s'apprêtent à se rencontrer, c'est essentiellement la France, et l'idée qu'ils s'en font, qui permet que se noue cette amitié fidèle et loyale. La France est la source et la lumière de leur rencontre. Elle est aussi le socle de leur amitié à partir de juillet 1945. " (3)


Philippe Chauché

(1) André Malraux / Les Conquérants / Bibliothèque de la Pléiade / 1947

(2) Charles de Gaulle / Mémoires de Guerre / in André Malraux Charles de Gaulle, une histoire, deux légendes Biographie croisée / Alexandre Duval-Stalla / Gallimard / L'Infini

(3) André Malraux Charles de Gaulle, une histoire, deux légendes Biographie croisée / Alexandre Duval Stalla / Gallimard / L'Infini

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