jeudi 24 avril 2008

L'Eclat et les Eclairs

" L'homme n'aime pas demeurer avec soi ; cependant il aime : il faut donc qu'il cherche ailleurs de quoi aimer. Il ne le peut trouver que dans la beauté ; mais comme il est lui-même la plus belle créature que Dieu ait jamais formée, il faut qu'il trouve dans soi-même le modèle de cette beauté qu'il cherche au dehors. Chacun peut en remarquer en soi-même les premiers rayons ; et selon que l'on s'aperçoit que ce qui est au dehors y convient ou s'en éloigne, on se forme les idées de beau ou de laid sur toutes choses. " (1)

" D'ordinaire, le malheur est un effet de la folie ; et il n'y a point de contagion plus dangereuse que celle des malheureux. Il ne faut jamais ouvrir la porte au moindre mal, car il en vient toujours d'autres après, et même de plus grands qui sont en embuscade. La vraie science au jeu est de savoir écarter ; la plus basse de la couleur qui tourne vaut mieux que la plus haute de la partie précédente. Dans le doute, il n'y a rien de meilleur que de s'adresser aux sages : tôt ou tard on s'en trouvera bien. " (2)

Il était passé maître dans l'art d'embrasser leurs folles passions, et d'en écarter les douloureux ravages, ce qui n'arrangeait pas sa réputation, il ne savait pas écouter leurs pleurs et leurs lamentations, n'acceptait leurs doutes que dans un réjouissant éclat de rire, il rejetait d'un revers de main leurs rêves de fidélité, leurs peurs de la vieillesse et de la mort et toutes les autres sornettes dont elles ornaient leur toilette, et si elles décidaient de s'en défaire, il se mettait à danser et à embrasser leurs yeux de fées.
Il ne faisait pas son âge comme elles disaient, sans préciser réellement quel âge elles lui donnaient, et ce n'était finalement pas pour lui déplaire, cela faisait des siècles qu'il n'avait plus d'âge, seulement une présence intacte au monde, une vive incrustation dans le temps, cela en surprenait plus d'une, il les invitait " à faire avec ", puis il passait à autre chose, à la musique par exemple, persuadé, que son écoute révélait beaucoup de sa façon d'être au monde, et lorsque la nuit s'installait il osait en dire autant de l'amour, de la jouissance, de la peinture, des fleurs, et de l'écriture.
L'écriture, l'art romanesque, lui allait comme un sourire, il ne s'en lassait pas, et s'armait de mots coupants comme des épées de Tolède, pour mieux traverser l'espace et s'en vider, on ne se nourrit finalement que de peu de choses.
Il avait par quelques exercices précis et secrets, appris à s'aimer, ainsi il pouvait en faire profiter quelques déesses qui s'aventuraient dans les écarts de sa vie divine, et lui offraient sans chantage aucun leur liberté absolue.

" Je descendis de cheval ; je lui offris le vin de l'adieu,
Et je lui demandai quel était le but de son voyage.
Il me répondit : Je n'ai pas réussi dans les affaires du monde ;
Je m'en retourne aux monts Nan-chan pour y chercher le repos.

Vous n'aurez plus désormais à m'interroger sur de nouveaux
voyages,
Car la nature est immuable, et les nuages blancs sont éternels. " (3)


Que mille bonheurs fleurissent dans tes yeux marins.

à suivre

(1) Discours sur les passions de l'amour / Pascal Oeuvres / Bibliothèque de la Pléiade / 1936

(2) L'art de la prudence / Baltasar Gracian / traduct Amelot de la Houssaie / Rivages poche

(3) Ouang-Oey / Poésies de l'époque des Thang / traduct du Marquis d'Hervey-Saint-Denys / Editions Ivrea /

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