Où en suis-je avec le bonheur ? C'est finalement la première question qu'il faudrait se poser. Puis on pourra se demander : où en suis-je avec l'amour ? et éventuellement : où en suis-je avec les femmes et la littérature ? Malheureux celle ou celui qui n'associent pas les femmes à la littérature.
Où en suis-je donc avec le bonheur ?
A cet instant précis, j'écris et j'écoute attentivement les oeuvres pour piano de Chopin, sous les doigts de l'admirable Abdel Rahman El Bacha, les 12 études pour être précis, composées entre 1829 et 1832, notre pianiste a tout enregistré chez Forlane. Bonheur absolu de ces études "parisiennes", ces interprétations délivrent Chopin de l'insuportable "pleurnicherie" du 19° siècle. Tout n'est que calme, volupté, délicatesse, joie, ivresse de notes, légèreté du touché, absolue certitude de ce qui est écrit, pas d'effet, transparence, et "vide" de la musique.
Le ciel s'obscurcit, la nuit va donc s'inviter, elle est la bien venue. Eclats de noirs comme chez Bacon.
J'ai sous les yeux Cercle de Yannick Haenel, roman d'exception, roman dansé, volant, inspiré, lumineux, révolté, roman en creux, chinois et européen. Ecoutons : « C'est maintenant qu'il faut reprendre vie. J'ai répété cette phrase toute la journée en longeant la Seine : « C'est maintenant qu'il faut reprendre vie. » Il y avait une lumière nouvelle dans les arbres, du vert partout, du bleu, et ce vent léger où flottent les désirs. J'ignore d'où venait cette phrase, mais elle glissait bien dans ma tête. Avec elle une joie bizarre se diffusait dans l'air d'avril, une joie de solitude qui vous ouvre la route... C'est ainsi que ce livre a commencé à s'écrire. La Seine, les arbres et mon corps se sont mis à tourner dans un instant de vide. Je n'ai pas eu le vertige. Au contraire : tout était affecté de vertige, sauf moi. Je brûlais, mon corps n'était plus mon corps, mais un buisson de flammes d'où sortaient des phrases. Ces phrases tourbillonnaient dans la lumière, au-dessus de l'eau, comme des tapis volants. Elles formaient dans le ciel d'immenses rubans de nacre. Laisse faire, me disais-je, surtout laisse faire : un passage va s'ouvrir, et ce passage, tu l'appelleras Cercle...Il fallait que je prenne le train de 8 h 07. Si je ne voulais pas être en retard à mon travail, le train de 8 h 07, il me le fallait. J'était très concentré sur le train de 8 h 07, et lorsqu'il est entré dans la station du Champ-de-Mars, j'ai entendu la phrase : « C'est maintenant qu'il faut reprendre vie. »... J'ai répété cette phrase plusieurs fois sur un ton différent ; et tandis que les portières du train de 8 h 07 se fermaient, j'ai souri. Reprendre vie, bien sûr, c'est maintenant ou jamais. Reprendre vie, tout de suite, il faut. »(Editions Gallimard/L'infini) Roman publié par l'ange Sollers, ce qui n'est pas surprenant.
J'ai en mémoire le mouvement vif et lumineux de quelques déesses.
Je suis heureux dans l'instant.
à suivre
Philippe Chauché
dimanche 3 février 2008
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