vendredi 8 février 2008

Principes

Que se passe t-il dans un tel lieu ? Cabinet public d'écriture, espace sans réserve où je fais vivre quelques pensées romanesques , cahier documenté où s'élaborent les romans d'aujourd'hui et de demain, carte routière de ma vie, tracé sur papier bible de mes passions ? Tout cela à l'évidence.
Ce qui se joue là, c'est la construction du roman, la fièvre de l'écriture, la volupté de l'image.
J'écris ce que je suis, et je suis ce que j'écris, cela peut déranger, mais c'est ainsi.
J'ouvre ce soir pour la millième fois peut-être "Le Plaisir du Texte" de Roland Barthes. Ecoutons et c'est essentiel : " Le plaisir n'est-il qu'une petite jouissance ? La jouissance n'est-elle qu'un plaisir extrème ? Le plaisir n'est-il qu'une jouissance affaiblie, acceptée - et déviée à travers un échelonnement de conciliations ? La jouissance n'est-elle qu'un plaisir brutal, immédiat (sans médiation) ? De la réponse (oui ou non) dépend la manière dont nous racontons l'histoire de notre modernité. Car si je dis qu'entre le plaisir et la jouissance il n'y a qu'une différence de degré, je dis aussi que l'histoire est pacifiée : le texte de jouissance n'est que le développement logique, organique, historique, du texte de plaisir, l'avant-garde n'est jamais que la forme progressive, émancipée, de la culture passée : aujourd'hui sort d'hier, Robbe-Grillet est déjà dans Flaubert, Sollers dans Rabelais, tout Nicolas de Staël dans deux centimètres carrés de Cézanne. Mais si je crois au contraire que le plaisir et la jouissance sont des forces parallèles, qu'elles ne peuvent se rencontrer et qu'entre elles il n'y a plus qu'un combat : une incommunication, alors il me faut bien penser que l'histoire, notre histoire, n'es pas paisible, ni même peut-être intelligente, que le texte de jouissance y surgit toujours à la façon d'un scandale (d'un boitement), qu'il est toujours la trace d'une coupure, d'une affirmation (et non d'un épanouissement), et que le sujet de cette histoire (ce sujet historique que je suis parmi d'autres), loin de pouvoir s'apaiser en menant de front le goût des oeuvres passées et le soutien des oeuvres modernes dans un beau mouvement dialectique de synthèse, n'est jamais qu'une "contradiction vivante" : un sujet clivé, qui jouit à la fois, à travers le texte, de la consistance de son moi et de sa chute." (Le plaisir du texte - Editions du Seuil / Point / Essais )
Nous ne sommes pas prêts d'en finir, et c'est heureux, avec Roland Barthes. J'ai pour ma part dans un roman, laissé travaillé le texte du plaisir et celui de la jouissance.
Il y est question du plaisir de jouir en étant, et d'être en jouissant. C'est aussi simple que cela, et de toute évidence tout est contenu dans tout, et les malheureux aveugles devraient y regarder à deux fois lorsqu'ils se frottent à une toile d'aujourd'hui ou à un roman de ce matin et ce rappeler des réflexions de Barthes. Ce qui veut donc dire, qu'il faut être absolument dans la modernité sans oublier d'où nous venons.

bonne nuit

à suivre
Philippe Chauché

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